Mocambo
Situé au 2591 rue Notre-Dame est (au coin de Davidso et Notre) le Cabaret Mocambo a été en activité de 1948 à 1960. Malheureusement il n'existe que de très rare photo de l'immeuble.
Au début des années 1960, M. Roland Thibault est propriétaire du cabaret Mocambo. Déjà propriétaire de quatre ou cinq grosses compagnies de viande et, comme le cabaret connaît quelques difficultés, problèmes avec la police des ligueurs qui l’a fermé, des batailles; bref, ça ne va pas. Comme il en a vraiment marre, il offre à son ami, Johnny Rougeau de l’acheter. Thibault à des amis avec le parti de l’Union Nationale et avec les Libéraux. Il offre à Rougeau des conditions exceptionnelles. “Tu peux te clairer dans les 75 000$ à 80 000$ par année. T’as même pas besoin d’argent pour te partir. Je vais te donner de bonnes conditions de paiement, pas une “cenne” d’intérêt , et je vais même t’en prêter pour faire le ménage”. La proposition lui plait.
Première chose à faire, voir s' il y a encore moyen d’avoir un permis de boissons. Rougeau n’a aucune idée de la procédure à suivre. Pour ce faire, il demande un rendez-vous avec le ministre des richesses naturelles, René Lévesque.
Ça fait sept mois que Rougeau a demandé son permis de boissons et toujours pas de nouvelles. Un jour le fils d’un juge rend visite à Johnny et lui dit ”Ca irait peut-être plus vite si vous achetiez vos meubles de notre maison” et d’ajouter ”Je peux également vous recommander des bonnes sortes de boissons… ”. Furieux, Rougeau ne fait ni un ni deux et va voir son ami René Lévesque pour lui raconter l’histoire. Lévesque, indigné, appelle immédiatement le juge en question. “C’est fini le tripotage, Jean Rougeau n’est pas obligé d’acheter ses meubles de personnes, ni de boissons… ”, et sans lui donner le temps de répliquer, il raccroche. Coïncidence? Trois jours plus tard, il avait son permis.
Il ne garde que quatre des cinquante employés car il lui faut du personnel composé de gens sûrs. Il a donc rentré son “staff”. Pas une petite tâche. Rougeau décide que le Mocambo serait la grande boîte d’Amérique du Nord. Pour ce faire, il engage les plus grandes vedettes, des numéros à grand déploiement. Il y ajoute un apport particulièrement important pour lui, il fait appel à des artistes canadiens français.
À l’extérieur, sous la grande enseigne lumineuse, il y a de grandes affiches, des panneaux publicitaires sur lesquels il y a une photo de Johnny en lutteur. On peut y lire en grosses lettres: « JOHNNY VOUS REÇOIT. »
Son métier de lutteur l’amène à voyager beaucoup aux États-Unis, ce qui lui permet de tisser des liens avec le monde des cabarets et les artistiques. Ça lui a beaucoup aidé quand est venu le temps de faire l’ouverture. À l’époque il n’y avait pas beaucoup de cabarets qui pouvaient rivaliser avec le Mocambo; il est très grand. La piste de danse peut accommoder plus de cent personnes. Il y a bien le Casa Loma et le Café de l'Est, mais Rougeau va chercher les plus grosses attractions. Chubby Checker et Fat Domino par exemple.
Pour l’ouverture du Mocambo, Doris Lussier, grand ami de Rougeau, a promis de faire l’ouverture en Père Gédéon, mais Andy Cobetto, propriétaire de La Casa Loma, a fait signer un contrat à Lussier pour deux spectacles ou, en petits caractères au bas du contrat, il est écrit qu’il ne peut pas présenter son spectacle ailleurs sur l’île de Montréal tant que les deux spectacles n’ont pas été donné à son cabaret. Doris n’a pu faire l’ouverture du Mocambo à son grand désarrois et celui de Rougeau.
Comme il tient à ce que le Mocambo soit connu comme un endroit qui a de la classe, l’ancienne clientèle n’est pas bienvenue, la drogue non plus. Rougeau devient vite le confident et ami des vedettes. Ils savent qu’ils peuvent compter sur lui quand il y a un problème. Tous les soirs, il se fait un devoir d’accueillir les gens à l’entrée. Ce qui a dû contribuer au succès de l’endroit.
À part quelques rares incidents, le Mocambo fonctionne très bien. Un soir, il y a des gros bras qui veulent entrer dans le cabaret avec des révolvers. Gentiment Johnny leur demande de laisser leurs “morceaux” dans leurs autos s' ils veulent entrer. Johnny les a mis à la porte avec l’aide de son frère Jacques. Jacques Rougeau est le maître d’hôtel, mais comme il est vraiment imposant tout le monde croit que c’est le “Bouncer”.
On ne peut parler du Mocambo sans parler de Roland Montreuil. Son premier contrat, il le décroche au Mocambo en 1950. Il y reste pendant onze ans. C’est au Mocambo qu’il est élu Monsieur MC en 1957. Toujours au Mocambo, il fait un “pianothon” qui dure 57 heures et 5 minutes. Les grands noms du spectacle de l’époque travaillent avec lui: Les Four Aces, Les Ink Spot, Al Martino, etc.
Le début de l’année 1966 est difficile pour le propriétaire du Mocambo. Les déboires financiers s'accumulent déjà depuis des mois et on doit fermer l’établissement. La fermeture ne se fait pas sans heurt. Dimanche, le 20 mars 1966 tout le monde est avisé de la pénible situation et invité à revenir lundi matin pour leur ultime chèque, c’est la fin. Dans la nuit de dimanche à lundi l’endroit est vandalisé, vitres et verres brisés, tabourets brisés, tables et chaises fracassées tout aura servi de requiem au café Mocambo. Les employés n’ont trouvé ni chèques, ni patrons, seulement les policiers qui enquêtent sur l’intrusion nocturne.
Au cours de sa vie, Johnny Rougeau aura été lutteur, entraîneur/propriétaire des Bombardiers de Rosemont, entraîneur pour le National de Laval dans la ligue de hockey junior majeur du Québec, Président de cette même ligue pendant trois ans (un trophée à même été nommé en son honneur), garde du corps pour René Lévesque, propriétaire d’une discothèque et d’un cabaret et politicien.
Johnny Rougeau est décédé d’un cancer le 25 mai 1983 à l’âge de 53 ans
Sources:
1966 La Presse, 22 mars, P. 9
1971 Télé-Radiomonde, 14 août, P. 27
1983 La Voix de l'Est, 9 février, P. 27, Extrait du livre Johnny Rougeau par lui-même, Ed. Québecor
1983 La Voix de l'Est, 10 février, P. 23, Extrait du livre Johnny Rougeau par lui-même, Ed. Québecor
1983 La Voix de l'Est, 24 mars, P. 27, Extrait du livre Johnny Rougeau par lui-même, Ed. Québecor