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Jacques Desrosiers (1938-1996)

 

Né à Montréal le 7 juillet 1938, il est le septième d’une famille de quinze enfants, sa mère, Lucienne Fleury, fut un temps

pianiste de concert qui a connu ses jours de gloire puisqu’on lui a décerné, jadis, le premier prix d’Europe. Son père

comédien, Pierre Desrosiers, a fait de la chansonnette et du théâtre avec des vieux troupiers comme Juliette Béliveau,

Barry, Duquesne et Bella Ouellette.  Son nom de scène était Tizoune.  C’est d’ailleurs M. Desrosier qui a cédé le nom de

Tizoune à Olivier Guimond père. 

 

Quand il était petit garçon, son parrain l’avait surnommé “l’artificiel” parce qu’à huit ans il avait “inventé” un moyen de protéger Montréal de la neige: il suffisait de déployer au-dessus de la ville un dôme artificiel en plastique.  Il en avait dessiné les plans et rêvait à l’époque de devenir architecte ou ingénieur.  Les écoles Jean-Talon, Christophe-Colomb et le cours supérieur Saint-Viateur virent successivement passer ce petit garçon aux yeux pers, ni bon ni mauvais élève, souvent “dans la lune”.  En grandissant, il avait changé son fusil d’épaule: il ne serait pas architecte, ni ingénieur, mais artiste: il chanterait.  Son père le laisse libre de choisir sa route.

 

Il se produit au sein de troupe de comédiens amateurs.  Des petits rôles de figurant obtenus grâce à l’entremise de Nicolas Doclin qui travaillait à Radio-Canada lui ouvrent la porte de la télévision.  Dans les mêmes temps, il se joint au Théâtre de la Roulotte de Paul Buissonneau, jouant souvent les seconds rôles.  Jacques Desrosiers est présenté à l’émission de télévision  “Paillettes” comme imitateur.  Son numéro a épaté tout le monde.  Desrosiers possède un don inné de personnification vocale et physique. Ses premières armes comme imitateur, il les fait au milieu de l’année 1955.

 

Avec l'année 1955 est morte l’émission de télé "Paillettes".  “Une émission plutôt médiocre tout au long de son existence” c’est ce qu’écrivait Jac Duval dans le Radiomonde de janvier 1956.  Mais l’une des vedettes du spectacle d’adieu de l’émission se fait remarquer.  Il s’agit de Jacques Desrosiers.  À l'époque, il est pratiquement inconnu.  Il présente un court numéro au théâtre Villeray et, sur le même programme, par un pur hasard, un certain chanteur qui porte le même nom de famille.  Les deux avait été présenté comme étant frère.  Comme le chanteur n’avait pas plu au public, Jacques Desrosiers craignait la réaction de celui-ci.  Mais à la place des huées, ce sont des rires et des bravos qui accueillent le jeune homme. 

 

Il n’a que dix-sept ans et, comme il ne se fait pas trop d’illusion à propos de sa carrière, il met toutes les chances de son côté.  Il prend des cours d’art dramatique avec Sita Riddez, des cours de mime avec Guy Hoffman et des cours de technicien en radio et télévision à l’institut Teccart.  La fin de l’émission « Paillettes » est pour Desrosiers le commencement d’une belle carrière.

 

À peine quelques mois plus tard, il part pour un voyage de six mois à Paris.  Un voyage de « perfectionnement ».  Il ne va pas là pour travailler mais, si on lui demande, il ne se fera pas tirer l’oreille.  Son programme comprend une série de cours de mime chez Etienne Decrou, maître du mime reconnu dans les années 1960.  Desrosiers ne veut pas s’en tenir aux imitations, il trouve ce champ d’action trop limité.  Il veut y ajouter le mime et la chanson…comique naturellement.  Pendant ce séjour il obtient un engagement « Aux Oubliettes », cabaret de Paris et L’arizona pour la modique somme de 500 francs par soirée. 

 

En 1958, Jacques Desrosiers décide de mettre de côté les imitations et populariser la chanson fantaisiste.  Il a déjà à son actif quatre enregistrements qui sont, pour la plupart, des oeuvres réalisées avec ses amis Marc Gélinas, Jacques Blanchet et André Lejeune.  À la fin de 1960, la carrière sur scène de Jacques Desrosiers est en demi-teinte.  Il perd peu à peu l’admiration de son public.  Ce public qui lui reproche la facilité, de ne pas se renouveler et d’offrir, plus souvent qu’autrement, du « réchauffer ».  Par bonheur, il lance en décembre de cette même année, un album enregistré avec le public de La Casa Loma.  Les critiques le place parmi les rares bons disques d’humour qui ont été produits au Canada Français. 

 

Petite anecdote concernant cet album.  La compagnie Apex français avait demandé à Roger Baulu d'écrire quelques mots qui seraient imprimés sur la pochette.  Une dédicace. Une présentation. Roger Baulu, qui a beaucoup d'admiration pour Desrosiers qu’il trouve brillant, inspiré, a accepté sans sourciller la demande d’Apex.  Or, Apex a cru bon de couper dans le texte de M. Baulu.  On a sauté des mots. On a fait des fautes. On a tourné le tout en joual, en baragouinage inintelligible.  Et (évidemment) c’est signé . . . Roger Baulu!  M. Baulu a exigé qu’on réimprime une autre pochette.   M. Baulu avait de bonnes raisons d’être insulté!

 

Dans un texte de Monic Nadeau, journaliste au Télé-Radiomonde en 1963, on apprend que Jacques Desrosiers a déjà songé au suicide. Il a vingt-quatre  ans.  À la question: "Avez-vous déjà pensé au suicide? il répond : "Oui, mais peut-être par lâcheté, par peur de la souffrance physique... Je me suis demandé s’il était préférable de sauter du pont Victoria ou Jacques-Cartier. Vous voyez, je fais encore le con. Sérieusement, oui j’y ai pensé ... Il faut croire que je n’étais pas au bout de mon rouleau puisque je me suis dit que la vie valait la peine à cause des petites joies (à la condition qu’elles ne soient pas trop espacées)". 

 

La version 1963 du clown, c’est le fantaisiste.  Le cirque est à peu près disparu, il nous reste le music-hall. Le music-hall est comme le cirque avec ses acrobates, ses jongleurs, ses équilibristes et... ses amuseurs (qui se nomment aujourd’hui  fantaisistes).  Jacques Desrosiers raconte qu’il n’a jamais été heureux.  À dix-sept ans, il sent  comme une mauvaise odeur de brume qui l’enveloppe.  Il n’en connaît pas la cause.  Il traîne son ennui…jusqu'à l'ennui.  Ainsi, Jacques Desrosiers confirme la légende du clown triste.

 

Il a compris pourquoi il est devenu artiste.  Deux raisons majeures.  Quand on est sur la scène, sous les feux de la rampe avec des centaines de personnes devant soi, on oublie qu’on n’est qu’un numéro parmi des milliards.  On n’est plus un quidam parmi tant d’autres.  On a aussi l’illusion de communiquer.  Et puis, quand on choisit ce métier d’amuseur public, on est satisfait que les autres oublient un peu, ne serait-ce que durant quelques minutes.  Durant son numéro, l’artiste et le public s’évadent ensemble.  Pour quelques instants, ils sont moins seuls. 

En 1963, il sort un 45 tours « La machine à laver » c’est un hit.

 

Après avoir été quelques années représenté par l’impresario Gilles Talbot,  pour Jacques Desrosiers et Robert Demontigny, c'est la rupture.  Mais celle-ci ne se fait pas sans heurt.  Talbot poursuit les deux artistes en justice pour bris de contrat.  Jacques Desrosiers qui n'a pas la langue dans sa poche se défend en affirmant qu’il s'est débarrassé de Talbot pour insatisfaction.

Au début du mois d’octobre 1968 c’est la remise des prix de « l’Academy Award Canadian ».  Elle récompense l’industrie du cinéma canadien. À ce titre Jacques Desrosiers est en nomination pour le trophée du meilleur Acteur pour le film « C’est pas la faute à Jacques Cartier »  L’année suivante, le film est choisi pour le Festival d’Avignon en France, 


En 1972, c’est l’arrivée de  Patof dans l’émission Le Capitaine Bonhomme qui deviendra plus tard Le cirque du Capitaine.  C’est suite au décès de Olivier Guimond qui jouait le rôle de Freddy Washington qu’on lui a proposé ce rôle; il n’est pas plus enthousiaste qu’il faut.  C’est Gilbert Chénier, son grand ami et confident, qui lui conseille d’accepter le rôle; il dira plus tard que beaucoup de son succès, il le doit à Gilbert Chénier.    Il n’a pas mis très longtemps à s’amuser à jouer, pour la première fois de sa vie,  un vrai clown.  Avec Patof, il enregistre un premier album, Les Aventure de Patof en Russie suivi peu de temps après le 45 tours Patof Blue qui s’est vendu à plus de 120 000 copies.  Patof est devenu un phénomène.  Partout où il passe, c’est le délire.  À une fête, donnée à l’occasion du 60e anniversaire de la Caisse Populaire Hochelaga, on a dû faire appel à l’anti-émeute pour disperser les 20 000 personnes venu l’applaudir.

 

En 1976, ça fait déjà quatre ans que le clown Patof est devenu le personnage de télévision favori des enfants.  Mais ses activités ne se limitent pas à Patofville, cinq émissions quotidiennes, et à Patof Raconte, émissions d'un style complètement différent qu'il anime le samedi et le dimanche au petit écran, car les Entreprises Patof sont maintenant devenues toute une organisation dont les activités commerciales semblent s'avérer très fructueuses.  Ce qui a commencé par un simple rôle dans une émission pour enfants est, pour Jacques Desrosiers, une partie importante de sa carrière de comédien.

 

À l'automne 1977, Télé-Métropole décide que Patof ne revient pas en onde.  Desrosiers, qui se dirige allègrement vers la quarantaine, est en pleine forme.  Il lance un nouveau 45 tours sur lequel il chante tout en se racontant; On retrouve deux de ses compositions, «C’est beau en dedans» et «L’argent»;  deux titres, qui laissent voir et entendre toute la gamme de sentiments qui bouillonnent en dedans du comédien. 

Un Jacques Desrosiers avec beaucoup plus de maturité.  Il pense à monter un spectacle mais comme il le dit lui-même "tout dépendra de ce que je vais écrire."  Contrairement à ce que bien des gens pensent, ce n’est pas seulement Patof qui a procuré la sécurité financière  à Jacques Desrosiers.  Il a vite compris qu’il fallait être un peu homme d'affaires si on veut survivre dans ce métier.  Donc, tout au fil de sa carrière il fait de bons placements et a investi dans des développements immobiliers, ce qui lui permet d’être à l’aise financièrement.   

 

Les affaires vont bien pour Jacques Desrosiers en 1978.  La série Chez Denise écrit par Denise Filliatrault est acceptée par Radio-Canada et Jacques Desrosiers y tiendra le rôle d’un comptable et son patron sera nul autre que Claude Blanchard.  De plus, à l'automne Patof refait surface à Télé-Métropole mais en reprise.  Ce n’est pas cette année que Jacques Desrosiers va se faire oublier.  L’année suivante, il prépare un One Man Show au Grand Théâtre de Québec, un autre 45 tours et un album comprenant chansons et monologues.

 

Jacques Desrosiers joue dans quelques films dont C'est pas la faute à Jacques Cartier (1967), Après ski (1971), Le Party (1990) de Pierre Falardeau et La Florida (1993) de George Mihalka. 

 

Il joue au théâtre dans quelques comédies, dont La muselière en 1991 et Femme demandée en 1995, au Théâtre des Variétés. 

 

On a pu le voir également dans la série de Janette Bertrand  Avec un Grand A en 1990 et dans Scoop IV, en 1995,  dans le rôle d’un juge corrompu, qui fut probablement un de ses derniers rôles.

 

Avec ses trente-cinq ans de métier,  Jacques Desrosiers a, malgré certains creux de vague, connu une belle carrière, tant sur disque, sur scène qu’au grand et au petit écran.

 

Jacques Desrosiers est mort le 11 juin 1996 à l'hôpital de Sainte-Agathe à la suite d'un cancer des os, diagnostiqué quatre mois plus tôt, et qui s’est généralisé par la suite.  Il avait 57 ans. 


Liste sommaire des artistes avec qui il a travaillé dans des émissions et films, qui sont nommés sur ce site:

 

Berval, Paul (1966-1971) "Moi et l’autre"; (1979-1982) "Chez Denise"; (1974) "C'est jeune et ça sait tout!"

Blanchard, Claude (1979) "Chez Denise"; (1976-1977) "Chère Isabelle"; (1973) "Altitude 755

Desrochers, Clémence  (1964) "Le vol rose du flamant" première comédie musicale québécoise

Duceppe, Jean (1966) Le film "Yul 871" de Jacques Godbout; (1972) Le Film "Quelques arpents de neige", de Denis Héroux 

Ducharme, Yvan (1972)"Quelques arpents de neige"

Filiatrault Denise (1963) l'émission "Zéro de conduite"; (1972) le film "Les Indrogable";(1979) "Chez Denise"; (1966-1971) "Moi et l'autre"

Gamache, Marcel (1974) le film "C'est jeune et ça sait tout"

Giguère, Marcel (1976) émission pour enfants "Patof Voyage"; (1966-1971) "Moi et l'autre"

Hudon, Normand Dans les années 1960 Dessine les pochette des disques

La Poune (Ouellette, Rose) (1976) série télé "Chère Isabelle"

Les Baronets/ Pierre Labelle/ René Angelill  (1970) Le film "Apres-ski"; (1976-1977)  "Chère Isabelle"

Les Jérolas/ Jean Lapointe / Jérome Lemay (1966) le Film "Yul 871"Jacques Godbout

Lévesque, Raymond (1970) Le film "Apres-ski"; (1968-1972) "Le paradis terrestre"

Michel. Dominique (1963-1964) "Zero de conduite"; (1976-1977) "Chère Isabelle"; (1966-1971) "Moi et l’autre";  (1973) "Altitude 755

Noël, Michel Debut 1970, rôle du clown Patof dans l'émission "Le Capitaine Bonhomme"; (1976-1977) "Chère Isabelle"

Normand, Jacques (1971) "Finalement..."

Pellerin, Gilles  (1974) "C'est jeune et ça sait tout!"

Sol (Favreau, Marc) (1972) le film "Les Indrogables"

Ti-Gus et Ti-Mousse /Denyse Émond/ Réal Béland (196-1971) "Moi et l’autre"; (1974)"C’est jeune et ça sait tout!"


Discographie partielle:

 

Pour rire seulement / Fleur de Lys spécial / FLS-507 / 1959

Et voici Jacques Desrosiers / Fleur de Lys Spécial / FLS-501 / 1959

Jacques Desrosiers au “Casa Loma”/ Apex / ALF-1529 / 1961

Les 3 cloches / Les disques soleil / SO-20002 / 1963

Comédie Twistée / Trans-canada / TF-317 / 1964

Monsieur Citron / Lero / L-729 / 1966

Jacques Desrosiers Chante “La poule”/ Tradition / TR-259-31 / 1968 


Sources:

 

1956 Radiomonde et Télémonde, 7 janvier, Jac Duval

1956 Radiomonde et Télémonde,  7 juillet,  Jac Duval

1958 La Patrie du dimanche, 21 septembre  Pierre Luc

1960 Radiomonde, 5 novembre, Jac Dual

1960 Radiomonde, 24 décembre, Jac Dual

1961 L'écho du St-Maurice, 4 janvier

1963 Télé-Radiomonde, 16 février Monic Nadeau

1964 Télé-Radiosonde, 14 mars

1966 Télé-Radiomonde, 22 octobre

1967 Télé-Radiomonde, 29 avril

1968 Télé-Radiosonde, 10 août, P.P.

1969 Télé-Radiomonde, 16 août, P. 5

1970 Télé-Radiomonde, 7 novembre, P. 3

1972 La Presse, 29 juin, P. D3, Pierre Vincent

1972 Photo-Journal - tout par l'image, 1 octobre, P. 55

1976 Télé-Radiomonde, 6 mars, P. 18

1977 La Patrie - l'Hebdo des canadiens-français, 6 août, P. 9, Christine Gautrin

1977 Télé-Radiomonde, 28 août, P. 7, G. Monté

1978 Télé-Radiosonde, 6 août, P. 26, A.G.

1979 Télé-Radiomonde, 20 mai, P. 7, A.G

1996 La Tribune, 12 juin, P. C7, P.C.

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Fleur de lys spécial  FLS-501  1959

Le miracle/Tu ne comprenais pas - Jacques Desrosiers
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Le peddler - Jacques Desrosiers
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Fleur de lys spécial  FLS-507

Apex ALF-1529    1960

Comme un banjo/le piano du pauvre/ la fête a Loulou... - Jacques Desrosiers
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Les disques soleil  SO-20002     1963

Trans-Canada  TF-317     1964

La machine à laver - Jacques Desrosiers
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Lero L-729     1966

"Monsieur Citron" Jacques Desrosiers
Histoires - Jacques Desrosiers
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Tradition  TR-259-31    1968

Les elucubrations - Jacques Desrosiers
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Gaston y' a le téléfon qui son...version Jacques Desrosiers

Patof chante10 chansons pour tous les enfants du monde
Patof 10 chansons pour tous les enfants du monde
Ballade pour un clown (Dis-Patof ?)
Patof le roi des clowns
Jacques Desrosiers
Monsieur Z - Jacques Desrosiers
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Les disques soleil  SO-20002     1963

Collection André Thériault

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