Les Cyniques (1962-1972)
Marc Laurendeau (1939- )
André Dubois (1942- )
Marcel Saint-Germain (1939-2007)
Serge Grenier (1939-2012)
"On respecte ce qui est sacré, mais on peut s’attaquer à tout ce qui est humain".
Définitions du mot cynique:
Qui avoue avec insolence, et en la considérant comme naturelle, une conduite contraire aux conventions sociales, aux règles morales qui manifeste du cynisme : un être cynique et immoral.
Synonymes :effronté - hardi - impudent - insolent
Au début, les Cyniques sont douze, garçons et filles. On essaie de réunir tous les élèves comiques de l’université.
Groupe humoristique formé de quatre étudiants de l’Université de Montréal. André Dubois, Marc Laurendeau, Marcel Saint-Germain, tous trois étudiant en droit et Serge Grenier étudiant en philosophie. Au début des années 1960, ils rassemblent leurs talents pour des spectacles qui illustrent l’esprit contestataire de l’époque.
Déjà à cette époque, chacun possède sa spécialité: il y a Marc Laurendeau, grand et , lunettes sévères, mais comédien né, qui s’occupe des intérêts du groupe; Marcel Saint-Germain, petit et trapu, irrésistible bouffon, spécialisé dans les imitations de ténor italiens; Serge Grenier, frêle, un peu timide, féroce assaillant de la discipline collégiale sous ses allures de faux frère pince sans-rire, et, André Dubois, qui domine ses camarades d’une tête, un parfait imitateur et intellectuel du groupe parce qu’il aspire au doctorat et porte des verres teintés roses.
À la question: Pourquoi avoir choisi le genre cynique? Marc Laurendeau, explique ainsi son choix: “Le comique traditionnel offert par les Tizoune, Berval, Blanchard, Drouin, etc., est parfois excellent mais je crois que les gens aiment voir des genres nouveaux. Le cynisme a été à peine touché par la troupe du "P’tit café". Nous l’exploitons à fond".
Au p’tit café était une émission hebdomadaire de variétés animée par Dominique Michel, Normand Hudon et Pierre Thériault. La musique, l’humour et les variétés étaient au rendez-vous. En présence d'un public attablé, les animateurs présentent les artistes invités de la semaine. On y revivait un peu l'esprit des cabarets montréalais de l'époque. Entre 1956 et 1961, c'est l'émission Au p'tit café qui se charge de la revue de l'année qui se termine. C'est un peu l'ancêtre du Bye Bye. C'était une des émissions les plus écoutées de la fin des années 1950.
À leur passage au Collège Sainte-Marie, Saint-Germain et Laurendeau s’intéressent au théâtre. Ils jouent sur la scène du Gésu, présentent des numéros de chansonniers lors des réunions étudiantes. C’est en 1961, sur le campus universitaire, lors du ciné-cabaret que les étudiants présentent au Centre social chaque samedi soir, que la carrière des Cyniques débute vraiment.
En 1962, ils passent du milieu étudiant au circuit des boîtes à chansons. Rapidement le groupe devient maître dans l’art de la satire sociale. Politiciens, personnalités publiques et le clergé sont les principales victimes de l’humour, l’ironie et le cynisme du groupe. Le groupe n’hésite pas à faire des blagues sur les minorités ethniques ou sur les gays et exploite certains préjugés et stéréotypes à leur égard pour déclencher les rires.
En 1963, les Cyniques se révèlent au grand public dans un spectacle à la Comédie Canadienne « Le Gala du cynisme». C’est alors que le groupe de douze devient un groupe de quatre.
En à peine quatre ans, ils ont réussi a inventer un style de chansonniers satiriques à humour noir, quelque chose comme du Jacques Normand plus grinçant, de passer férocement l’actualité au crible de leurs imitations et de leurs gags.
En 1965, ils sortent leur premier album «Les Abominables Cyniques en spectacle!» enregistré au cabaret La Casa Loma à Montréal. Ils présentent leurs spectacles pendant un mois à La Casa Loma et 25 000 spectateurs y assistent.
En 1966, on retrouve Les Cyniques à la barre d’une émission matinale sur les ondes de CKLM. C’est un engagement de quinze semaines. D’ailleurs, le bilan de l’année 1966 est pas trop mal pour Les Cyniques: un prix au Festival du disque, différentes émissions de télévision, une émission de radio et des spectacles dans différentes boîtes à chansons.
En 1967, Les Cyniques ne sont plus les seuls fantaisistes au Québec. Ils ont appris, à leurs dépens, qu’il y a un nouveau groupe qui semble percer assez rapidement et qui, actuellement, présente un spectacle. Ce sont Les Mortuaires’! Il s’agit alors de savoir si Les Mortuaires peuvent vraiment rivaliser avec Les Cyniques! La guerre est déclarée: Les Mortuaires se disent, dans leurs annonces dans les journaux, les concurrents no 1 des Cyniques et c’est ce que les Cyniques reprochent aux Mortuaires et à la direction du Totem. "Nous ne pouvons que souhaiter la naissance d'une concurrence compétente et honnête, mais ne pouvons tolérer une concurrence qui, pour arriver à ses fins, se sert constamment de notre nom". Les Cyniques sont mûrs et prêts à affronter toute compétition. Les Mortuaires sont jeunes et prêts à travailler fort, pour surpasser les Cyniques. Qui l’emportera?
Ne voulant pas que les spectateurs soient saturés de leurs blagues, et comme ils ne peuvent pas renouveler leur spectacle à toutes les semaines, c’est préférables pour eux de se produire dans différents coins de la province plutôt que de présenter le même spectacle trois ou quatre fois semaine dans un même cabaret, avec les même spectateurs. C’est l’explication qu’ils ont donné à un important propriétaire de cabaret, non loin de Montréal, alors que celui-ci leur offrait un cachet de 6 000$ pour quatre jours.
En février 1971, Jac Chenier, leur producteur et directeur artistique, nous apprend qu’il serait bien possible que les quatre jeunes gens, tout en continuant à se produire en groupe, travaillent également individuellement. Les Cyniques feraient donc cavaliers seuls en exploitant les thèmes à l’intérieur desquels ils excellent personnellement. Serge Grenier, par exemple, se spécialiserait dans la narration des contes pour enfants; Marcel St- Germain parodierait les airs d’opéras célèbres, etc …Est-ce que, déjà, on préparait la sortie des Cyniques? À ma connaissance il n’y a pas eu de projet solo à cette époque.
De 1966 à 1972, ils lancent huit albums et un 45 tours de Noël (Nôwell / Le très bon Père Noël) qui connaissent beaucoup de succès. Aujourd’hui, l’humour du groupe serait probablement qualifié de politically incorrect.
Au cours de leur carrière, ils ont notamment conçu et animé une série télévisé estivale Émission impossible (en 1968 et 1969), participé à un des premiers Bye Bye 1971 et se sont décuplés au cinéma, tenant une trentaine de rôles à eux quatre dans le long métrage de Jacques Godbout IXE-13. Comédie musicale mettant en vedette les quatre membres. André Dubois tient le rôle-titre de Jean Thibault alias IXE-13 alias « l'as des espions canadiens ». Un film tout en musique, une parodie des aventures du personnage légendaire issu d'un populaire roman-feuilleton des années 1950 signé Pierre Saurel (Pierre Daignault). Au côté des Cyniques on retrouve Louise Forestier, Luce Guilbault, Carole Laure, Jean-Guy Moreau, Diane Arcand, Louisette Dussault, Sky Low Low et Little Brutus. La musique est de François Dompierre.
Ne voulant pas, cette fois, laisser les journalistes annoncer, faussement, qu’ils quittent le monde du spectacle, Les Cyniques décident eux- même d’annoncer la nouvelle au cours d’une conférence de presse. Dix ans après leurs débuts, alors qu'ils étaient étudiants à l'Université de Montréal, les quatre galopins professionnels accrochent leurs plumes vitrioliques et quittent la scène avec le bien nommé "Exit", en avril 1972. Pour la circonstance ils donnent une dernière série de spectacles qui s’échelonnent sur deux mois. Ayant, tous les quatre franchi le cap de la trentaine, ils considèrent que le temps est venu de passer à autre chose. Depuis ce temps, outre quelques apparitions télévisées pour mémoire, chacun des Cyniques a mené sa carrière en solo et les disques qui avaient fait les délices de leurs fans, essentiellement la jeunesse de la Révolution tranquille, sont devenus des denrées rares.
Il ne reste pas de traces visibles des spectacles des Cyniques sur scènes. Aucun film, aucune vidéo. Rien que les disques dont on entend parfois des extraits à la radio et qui restituent leur audace. En décembre 1989, les quatre Cyniques se retrouvent pour travailler sur une anthologie de l’humour au Québec « Les Cyniques à l’Université l’humour » présenté à Radio-Canada en quatre émissions.
Après la fin des Cyniques, André Dubois devient scénariste pour des émissions d'humour de type sitcom telles que
Du tac au tac (1976); Km\h. En 1974, il coécrit le film de Roger Fournier "Les aventures d’une jeune veuve" avec
Dominique Michel. "C’est pas de ma faute" est le titre de la nouvelle comédie de André Dubois qu’il écrit en 1976. Entre
1972 et 1989 Il écrit pas moins de onze Bye Bye. Il fonde Conceptel avec Ubaldo Fasano, une boite de production
indépendante. Quelques années plus tard, il ouvre sa propre boîte, Vendome Télévision. Puis il y a Sir Wilfrid Laurier
(1987), en collaboration avec Louis-Georges Carrier et avec une flopée de grands comédiens québécois dont
Albert Millaire, Un homme au foyer (1987-1988), L’agent fait le bonheur (1985-1987), etc. En juin 2015 il se voit
attribuer par l’Assemblée nationale le titre honorifique de Chevalier de l’Ordre national du Québec (ONQ).
En 1973, Marc Laurendeau devient éditorialiste au quotidien Montréal-Matin, en même temps qu'il anime Montréal
en vrac, l'émission de fin d'après-midi du poste de radio CKAC. En 1975, il est promu éditorialiste-en-chef au
Montréal-Matin, où il travaillera jusqu'en 1978. De 1978 à 1988, il est chroniqueur et analyste politique au quotidien
La Presse et anime des émissions d'affaires publiques à la télévision. En 1988 il est journaliste-chroniqueur à la radio
de Radio-Canada. En 1995, il est chargé de cours en journalisme à l'université de Montréal. Pendant 22 ans il présente
la revue de l'actualité des journaux à l'émission quotidienne C'est bien meilleur le matin, d'abord avec Joël Le Bigot puis
aux côtés de René Homier-Roy.
En 2013, il devient le président de l'académie Grévin au Québec. Il est le frère de la comédienne Amulette Garneau (Huguette Laurendeau) rebelle de la famille Amulette est une véritable inspiration pour Marc. Il est le conjoint de la journaliste Anne-Marie Dussault.
Comique mordant et scripteur doué, Serge Grenier a marqué le monde de l’humour au Québec. Pionnier du Festival
Juste pour rire, il anime le premier gala en 1983, il est un concepteur et participant aux émissions Piment Fort
(1993-2001) ainsi que, à la revue Les Parlementeries en 2009, il est l'un des piliers du magazine Croc.
En 1989, à Montréal, paraît son livre L'heureux élu. Serge Grenier a consacré toute sa carrière à l’art de faire rire. Il est
décédé le 6 avril 2012 après avoir chuté d’une fenêtre du centre d’hébergement où il avait été admis il avait 73 ans.
A la dissolution du groupe, Saint-Germain veut changer de vie complètement. Ayant une maitrise en science politique,
il songe à poursuivre ses études en vue du doctorat, mais, à 33 ans, il se dit qu’il serait peut-être plus sage d’entrer sur
lemarché du travail. Il œuvre chez Bell Canada d’abord aux Télé-Nouvelles, bulletin d’information interne, puis en tant
que directeur aux communications de BCE (Compagnie mère de Bell Canada et Northern Telecom). Lorsque Bell obtient
un contrat de gestion pour la compagnie de téléphone nationale d’Arabie Saoudite, il séjourne à Ryad de 1980 à 1982, et
à nouveau en 1985. Puis il est impliqué dans les stratégies publicitaires de Bell. Au milieu des années 1990, il est à la
barred’une émission de radio diffusée le samedi matin à l’antenne de CFGL. Durant quelques années, il est chasseur de
têtes pour le Festival Juste pour rire.
Victime d'un AVC, Marcel Saint-Germain est hospitalisé d'urgence en décembre 2007, et meurt des suites de la maladie dans la nuit du 27 décembre 2007 à son domicile, à Brossard à l'âge de 68 ans. Marc Laurendeau dira de lui "que c’était quelqu’un qui avait une profondeur c'est pourquoi sa compagnie était recherchée. Il va rester dans la mémoire collective comme quelqu’un de vraiment drôle".
Liste sommaire des artistes avec qui ils ont travaillé dans des émissions et films, qui sont nommés sur ce site:
Daigneault, Pierre: De 1947 à 1966 il publie 934 "Les aventures de l'agent IXE-13". En 1972 Jacques Godbout, en collaboration avec Les Cyniques, tourne un long métrage inspiré de ce personnage.
Houde, Paul: "Vaut mieux en rire" (1982-1985) avec André Dubois.
Hudon, Normand: Dans les années 1960 dessine les pochette des disques.
La Poune (Ouellette, Rose): (1974) le film "Les aventures d'une jeune vierge" André Dubois; 1982-1985) "Vaut mieux en rire" André Dubois.
Les Jérolas / Jean Lapointe / Jérome Lemay: 1970 ou 1971 Publicité télé la bière Laurentide.
Lévesque, Raymond: (1974) le film "Les deux pieds dans la même bottine" Marc Laurendeau.
Moreau, Jean-Guy: (1971) le film "IXE-13"; (1982-1985) "Vaut mieux en rire" André Dubois.
Normand, Jacques: (1972 et 1977) "Bye Bye" André Dubois.
Plante, Jean-Pierre; dans les années 1990 co-écrit avec Serge Grenier et Yves Tascherau "Piment fort"; co-écrit le Bye Bye 1978 avec André Dubois.
Réal Béland: (1982-1985)"Vaut mieux en rire" avec André Dubois.
Discographie partielle:
Les Abominables Cyniques En spectacles / Apex / ALF-1578 / 1966
Les Cyniques vol. 2 / MCA Record / MCA 17103 / 1973 (sortie en 1967
réédité en 1973)
Les Cyniques vol. 3 /1867-1967 / Apex / ALF-1596 / 1967
Les Cyniques vol. 4 (le meilleur!) / Apex / ALF 71804 / 1968
IXE-13 ( Les Cyniques et Louise Forestier ) / Gamma / G5-148 / 1971
Les Cyniques 6 / Béta / BE 10 / 1971
Exit / Béta / BE 11 / 1972
45 tours:
Nôwell / Le Très Bon Père Noël / Apex / 13495 / Decembre 1967
Sources::
1963 Télé Radiomonde, 1 juin, P. 17, Michel Félix
1965 La Patrie - l'hebdo des canadiens-français, 8 juillet, P. 30, Brigitte Morissette
1965 Le Devoir, 25 septembre, P. 1 Arts/Spectacles, Gilles Potin
1966 Télé-Radiomonde, 10 décembre, P. 5. 17
1967 Télé-Radiomonde, 1 juillet, P. 4, Claude Charron
1968 Télé-Radiomonde, 7 décembre, P. 28
1971 Télé-Radiomonde, 6 février, P. 9
1972 Le Petit Journal, 16 mars, P. 2 Spectacles
1974 La Patrie - l'hebdo des canadiens-français, 29 décembre, P. 27, Andrée Lebel
1994 Le Devoir, 27 août, P. 5, Patrick Pierra
2012 Le Soleil, 27 décembre, P. 35, Geneviéve Bouchard
2015 autour de l’ile .com, octobre, Normand Gagnon
Apex ALF 1578 1965
Apex 13495 1967
Apex ALF 71809 1970
Gamma GS-148 1971
Apex ALF 1596 1967
Apex ALF 71804 1968
Béta BE. 10 1971
Béta BE-11 1972
MCA Record MCA 17103 1973
Bande annonce du film XE-13